HISTOIRE ET DOUZE TRAVAUX D’HERCULE






1.  La naissance d’Hercule
2.  La jeunesse d’Hercule
3.  Les filles de Thespios
4.  Erginos
5.  La folie d’Héraclès
6.  Les Travaux
   1.   le Lion de Némée
   2.   l’Hydre de Lerne
   3.   la Biche de Cérynie
   4.   le Sanglier d’Erymante
   5.   les Ecuries d’Augias
   6.   les Oiseaux du Stymphale
   7.   le Taureau de Crète
   8.   les Juments de Diomède
   9.   la Ceinture d’Hyppolyté
   10.  le Troupeau de Géryon
   11.  les Pommes des Hespérides
   12.  la Capture de Cerbère
7.  Le meurtre d’Iphitos
8.  Omphale
9.  Hésioné
10.  La conquête de l'Elide
11.   La capture de Pylos
12.   Les fils d'Hippocoon
13.  Augé
14.  Déjanire
15.  Héraclès à Trachis
16.  Iolé
17.  L'apothéose d'Héraclès
18.  Symbolique
 
 
 

1.  La naissance d’Hercule

    La pieuse Alcmène refusait de partager la couche d’Amphitryon, son époux, s’il ne vengeait pas la mort de ses huit frères. Il se rendit donc auprès de Créon, qui l’autorisa à lever une armée en Béotie, à condition qu’il exécute quelques travaux pour lui.
Entre-temps, Zeus, profitant de l’absence d’Amphitryon, revêtit son aspect et, se faisant passer pour lui, assura Alcmène que ses frères étaient à présent vengés (Amphitryon avait en effet obtenu la victoire qui lui était demandée le matin même) et s’ébattit avec elle une nuit entière, à laquelle il conféra la longueur de trois nuits. En effet, Hermès, sur l’ordre de Zeus, avait commandé à Hélios d’éteindre les feux solaires, de faire dételer son char par les Heures et de rester chez lui le lendemain; car l’acte de la procréation d’un héros aussi considérable que celui que Zeus méditait de créer ne pouvait s’accomplir hâtivement. Hélios obéit en grommelant ; il préférait le bon vieux temps où le jour était jour et la nuit était nuit, et où Cronos, qui était alors le Dieu Tout-Puissant, ne quittait pas sa femme légitime pour aller courir la prétentaine à Thèbes. Hermès donna ensuite l’ordre à la Lune de se déplacer lentement et au Sommeil de faire que l’humanité fût à ce point endormie que personne ne remarquât ce qui se passait. Alcmène, totalement mystifiée, écouta heureuse le récit que lui fit Zeus de la défaite infligée à Ptérélas à Oechalie et se dépensa en toute innocence dans les bras de son soi-disant mari pendant trente-six heures. Le lendemain, quand Amphitryon revint tout heureux de sa victoire et le cœur débordant d’amour pour elle, Alcmène ne lui témoigna pas, dans son lit, autant d’enthousiasme qu’il l’avait espéré. « Nous n’avons pas fermé l’œil la nuit dernière, se plaignit-elle. Et j’espère que tu ne vas pas me faire une deuxième fois le récit de tes exploits ! » Amphitryon, qui ne comprenait rien à ses paroles, s’en fut consulter le devin Tirésias qui lui apprit que Zeus l’avait fait cocu ; et, depuis, il n’osa plus jamais toucher Alcmène de crainte d’encourir la jalousie divine.
    Neuf mois plus tard, sur l’Olympe, Zeus un jour se vanta d’avoir un enfant qui était à présent sur le point de venir au monde, qui serait appelé Héraclès, ce qui veut dire « Gloire d’Héra », et qui régnerait bientôt sur la noble Maison de Persée. Héra lui fit alors promettre que tout prince qui naîtrait dans la Maison de Persée , avant la nuit tombée, serait Roi. Et, après que Zeus en eut fait le serment, Héra se rendit en hâte à Mycènes où elle hâta les douleurs de Nicippé. Elle se rendit ensuite à Thèbes et s’accroupit, les jambes croisées devant la porte d’Alcmène, fit des noeuds à ses vêtements et serra ses doigts les uns contre les autres ; par ce moyen elle retarda la naissance d’Héraclès jusqu'à ce qu’Eurysthée, fils de Sténélos, conçu seulement depuis sept mois, fût couché dans son berceau. Lorsque Héraclès arriva, une heure trop tard on s’aperçut qu’il avait un frère jumeau, du nom d’Iphiclès fils d’Amphitryon et plus jeune que lui d’une nuit.
    Lorsque Héra revint dans l’Olympe et raconta calmement comment elle était arrivé à ses fins, en empêchant Ilithye, déesse des naissances, de se rendre auprès d’Alcmène, Zeus entra dans une violente colère ; il se saisit de sa fille aînée, Até, qui l’avait empêché de s’apercevoir des manigances d’Héra, et fit le serment qu’elle ne reviendrait plus jamais dans l’Olympe. Il la fit tournoyer autour de sa tête, en la tenant par ses cheveux d’or, et la lança violemment sur la terre. Ne pouvant revenir sur sa parole et laisser Héraclès régner sur la maison de Persée, il persuada Héra d’accepter qu’il devînt dieu après qu’il eut accompli douze travaux qu’Eurysthée lui demanderait d’accomplir.
 

2.   La jeunesse d’Hercule

    Alcmène, redoutant la jalousie d’Héra, abandonna son nouveau-né en dehors des murs de Thèbes ; et justement Zeus avait suggéré à Athéna de faire une petite promenade avec Héra. « Oh ! regardez donc , ma chère, quel beau bébé, comme il est robuste et bien bâti ! » dit Athéna, feignant la surprise, et elle s’arrêta pour le prendre dans ses bras. « Sa mère doit avoir perdu la raison pour l’avoir abandonné dans ce champ pierreux ! Venez donc, vous avez du lait, donnez-lui à téter ! » Machinalement, Héra le prit dans ses bras et découvrit son sein dont Héraclès s’empara avec tant de vigueur qu’elle le laissa tomber sur le sol, tant il lui avait fait mal ; et une traînée de lait traversa le ciel, qui devint la Voie lactée. "Oh! Le petit monstre!" s'écria Héra. Mais Héraclès venait de devenir immortel et Athéna le rapporta à Alcmène en souriant et lui dit de veiller sur lui et de l'élever avec soin. Un soir - alors qu’Hercule avait huit à dix mois - Alcmène avait baigné, nourri et couché ses deux jumeaux. A minuit, Héra envoya deux énormes serpents à raies bleues, dont les yeux lançaient des flammes et des crocs desquels coulait du poison, dans la maison d’Amphitryon, avec l’ordre de faire périr Héraclès. Les portes s’ouvrirent à leur approche ; ils se glissèrent dans le palais et rampèrent jusqu’à la chambre des enfants. Les jumeaux s’éveillèrent et virent les serpents au-dessus de leur tête. Iphiclès poussa un cri et, essayant de fuir, tomba au sol. Ses cris réveillèrent Alcmène, qui se précipita dans la chambre de ses enfants, suivie par son mari. Lorsqu’ils entrèrent, Héraclès leur tendit fièrement les deux serpents qu’il était en train d’étrangler, un de chaque main. Lorsqu’ils moururent, Héraclès poussa un cri de joie et les lança aux pieds d’Amphitryon. Tandis qu’Alcmène consolait Iphiclès, terrorisé, Amphitryon remit la couverture sur Héraclès et alla se coucher. Lorsqu’Hercule cessa d’être un enfant, Amphitryon lui apprit à conduire un char ; Castor lui apprit le maniement des armes et les bases de l’équitation ; un des fils d’Hermès fut son professeur de boxe ; Eurythos lui enseigna le tir à l’arc. On lui apprit aussi à jouer de la lyre, la littérature et un peu de philosophie et d’astronomie... Puis un jour il tua Linos, qui avait voulu lui enseigner la musique, d’un coup de lyre. Au cours de son procès, il invoqua la légitime défense et fut acquitté. Cependant, Amphitryon l’envoya dans une ferme pour s’occuper des vaches, car il craignait d’autres violences. Il y resta jusqu'à dix-huit ans.
 

3.  Les filles de Thespios

    Après avoir quitté la ferme, il entreprit de tuer le lion de Cithéron, qui ravageait les troupeaux d’Amphitryon et de son voisin le roi Thespios. Cet homme avait cinquante filles de sa femme Mégamédé. Craignant qu’elles ne tournent mal, il avait décidé que chacune d’elles aurait un enfant d’Héraclès, qui était alors occupé à chasser le lion. En effet, Héraclès était logé à Thespies pour cinquante nuits. Le roi lui proposa Procris, sa fille aînée, comme compagne de lit. Mais, chaque nuit, une autre de ses filles se rendait auprès d’Héraclès, jusqu'à ce qu’il se fût uni à toutes, sauf à l’une d’elles qui se refusa à ses caresses, demeura vierge jusqu'à sa mort et devint prêtresse de son autel à Thespies. Il eut donc cinquante et un fils de ces filles : l’aînée et la cadette lui ayant toutes deux donné des jumeaux. Ayant enfin réussi à prendre le lion et à le tuer avec sa massue, il se revêtit de sa peau et porta sa mâchoire ouverte en guise de casque.
 

4.   Erginos

    Au cours d’une fête en l’honneur de Poséidon, un char thébain écrasa Clyménos, le roi des Myniens d’Orchomène. Son fils Erginos, poussé par la colère, leva une armée et marcha contre Thèbes, sur laquelle il remporta une rapide victoire. Il obligea les habitants de la cité à lui verser pendant vingt ans un tribut annuel de cent bœufs. Or, Héraclès, rencontrant les envoyés d’Erginos qui venaient percevoir leur tribut, leur coupa les oreilles et le nez, et, après avoir attaché ces appendices sanglants à leur cou à l’aide d’une corde, il les renvoya à Orchomène. Indigné, Erginos marcha à nouveau contre Thèbes gouvernée par Créon, mais se heurta cette fois à l’armée des jeunes Thébains levée et commandée par Héraclès. Erginos fut battu et tué.
 

5.   La folie d’Héraclès

    La victoire d’Héraclès sur les Minyens fit de lui le héros le plus célèbre ; sa récompense fut d’épouser la fille aînée du roi Créon, Mégara, et d’être nommé protecteur de la ville, tandis qu’Iphiclès épousait la plus jeune. Héraclès eut huit fils de Mégara. Mais Héra, dépitée par les exploits d’Héraclès, le rendit fou. Il s’attaqua d’abord à son neveu bien-aimé Iolaos, fils aîné d’Iphiclès, qui réussit à échapper à ses coups terribles ; puis, prenant six de ses fils pour des ennemis, il les abattit et lança leur corps dans un grand feu, et fit de même avec deux des fils de son frère. Lorsque Héraclès retrouva ses esprits, il s’enferma dans une chambre et demeura dans l’obscurité pendant quelques jours, sans voir personne, puis, après que le roi Thespios l’eut purifié, il se rendit à Delphes, pour demander ce qu’il devait faire. La Pythonisse lui conseilla de résider à Tirynthe, de se mettre au service d’Eurysthée pendant douze ans et d’accomplir tous les travaux qu’on pouvait lui demander ; en récompense, il serait immortel. En entendant ces mots, Héraclès tomba dans un profond désespoir ; la perspective d’être au service d’un homme qu’il savait inférieur à lui-même lui était odieuse, mais il redoutait de contrarier son père Zeus. De nombreux amis vinrent le consoler et, à la fin, lorsque le temps eut un peu adouci son chagrin, il se mit à la disposition d’Eurysthée. On dit que lorsque Héraclès entreprit ses Travaux, Hermès lui donna une épée, Apollon un arc et des flèches, Héphaïstos un plastron d’or, Athéna une tunique et Zeus un magnifique bouclier que rien ne pouvait entamer. Son neveu Iolaos participa aux Travaux en conduisant son char ou en portant son bouclier.
 

6.   Les Travaux
 

1.   le Lion de Némée

     Le Premier des Travaux qu’Eurysthée imposa à Héraclès, lorsqu’il vint s’installer à Tirynthe, fut de tuer et d’écorcher le lion de Némée, une bête gigantesque avec une peau que rien n’entamait, ni le fer, ni le bronze, ni la pierre.
     Parvenu à Cléonae, à mi-chemin entre Corinthe et Argos, Héraclès logea dans la maison d’un berger du nom de Molorchos, dont le lion avait tué le fils. Un jour, comme Molorchos était sur le point d’offrir un bélier à Héra pour obtenir ses faveurs, Héraclès le retint : « Attends trente jours, dit-il. Si je reviens sain et sauf, sacrifie à Zeus souvent, si je ne reviens pas, fais-moi un sacrifice comme à un héros ! »
     Héraclès arriva à Némée à midi, mais, comme le lion avait dépeuplé tous les environs, il ne trouva personne pour le renseigner et, par ailleurs, il ne vit aucune empreinte du fauve. Après avoir d’abord cherché sur le mont Apesas, Héraclès se rendit au mont Trétos et là, il aperçut le lion qui revenait à sa tanière, tout maculé du sang de sa dernière victime. Il tira une volée de flèches sur le fauve, mais elles rebondirent sur sa peau épaisse sans lui faire aucun mal, le lion se contenta de lécher ses côtes en baillant. Ensuite, il employa son épée qui plia comme si elle était en fer blanc, finalement, il brandit sa massue et assena un tel coup sur la gueule du lion qu’il rentra dans sa tanière à double sortie en secouant la tête, non pas de douleur, mais parce que ses oreilles lui tintaient. Héraclès, après avoir regardé tristement sa massue hors d’usage, disposa alors un filet à l’une des issues de l’antre et entra par l’autre. Sachant à présent qu’aucune arme ne servirait de rien contre le monstre, il le prit à bras- le-corps et engagea la lutte. Le lion lui arracha un doigt, mais, lui ayant saisi la tête, il lui fit la prise du collier et serra avec tant de force qu’il étouffa la bête.
     Héraclès, portant le cadavre du lion sur ses épaules, revint à Cléonae le trentième jour et trouva Molorchos sur le point de lui faire un sacrifice dû aux héros ; mais, au lieu de cela, ils firent ensemble un sacrifice à Zeus Sauveur. Héraclès se tailla une nouvelle massue et il emporta le cadavre du lion à Mycènes. Eurysthée, stupéfait et terrifié, lui interdit à jamais l’accès de la ville et lui ordonna, à l’avenir, de déposer le fruit de ses Travaux en dehors des portes.
     Pendant un certain temps, Héraclès fut embarrassé, il ne savait comment s’y prendre pour écorcher le lion, jusqu'à ce que, par une inspiration divine, l’idée lui vint d’utiliser les propres griffes du fauve tranchantes comme un rasoir, et, bientôt, il put revêtir sa peau invulnérable et s’en faire une armure ; il employa la tête du fauve comme casque. Pendant ce temps, Eurysthée donna l’ordre à ses forgerons de faire une jarre en bronze qu’il enfouit dans la terre. Et, depuis lors, chaque fois que l’approche d’Héraclès était signalée, il se réfugiait dans la jarre et envoyait ses ordres par la voix d’un héraut.

2.   l’Hydre de Lerne

     Le Deuxième des Travaux exigés par Eurysthée fut de tuer l’Hydre de Lerne, monstre élevé par Héra pour mettre Héraclès en péril.
     Lerne se trouve près de la mer, à quelques neuf kilomètres de la cité d’Argos. Cette région fertile et sacrée vivait dans la terreur de l’Hydre, dont le repaire se trouvait sous un platane à la septuple source du fleuve Amymoné, et qui hantait les marais sans fond de Lerne et le lac Alcyonien qui se trouvait dans le voisinage. Ces marais sont devenus le tombeau de bien des voyageurs imprudents. L’Hydre avait un corps de chien, huit ou neuf têtes de serpents, dont l’une était immortelle. Le poison qu’elle répandait était si fort que son haleine seule ou l’odeur laissée après son passage suffisait à faire mourir.
     Athéna avait médité sur le meilleur moyen pour Héraclès de venir à  bout de ce monstre, et, lorsqu’il arriva à Lerne, Iolaos conduisant son char, elle lui indiqua le repaire de l’Hydre. Sur son conseil, il força l’Hydre à sortir en lui lançant des flèches embrasées puis, retenant son souffle, il s’empara d’elle. Mais le monstre s’enroula autour de ses pieds pour essayer de le faire tomber. C’est en vain qu’avec sa massue il lui assenait des coups sur la tête : à peine en avait-il écrasé une que deux ou trois autres repoussaient à sa place.
     Un crabe géant sortit du marais pour venir en aide à l’Hydre et mordit au pied Héraclès, qui, furieux, l’écrasa dans sa carapace et appela Iolaos à son secours. Iolaos mit le feu à un côté du bois, puis pour empêcher l’Hydre de faire renaître de nouvelles têtes, il cautérisa les chairs à leur racine avec des brandons et réussit à arrêter le sang.
     Alors, avec une serpe d’or, Héraclès décapita la tête immortelle, dont une partie était en or, et l’enterra toute vivante encore de sifflements terribles, sous un lourd rocher près de la route d’Elaeos. Il arracha les entrailles du cadavre et trempa ses flèches dans son venin ; et, depuis lors, la moindre blessure de l’une d’elles est irrémédiablement mortelle.
     Pour récompenser le crabe de ses services, Héra le mit au nombre de douze Signes du Zodiaque ; quant à Eurysthée, il ne voulut pas considérer ce Travail comme régulièrement accompli, à cause de l’intervention d’Iolaos qui avait apporté les brandons.

3.  la Biche de Cérynie

     Le Troisième des Travaux d’Héraclès fut de capturer la Biche de Cérynie et de la ramener vivante d’Oenosé à Mycènes. Cet animal tacheté, rapide à la course, possédait des sabots d’airain et des cornes d’or. Cette biche était consacrée à Artémis.
     Ne voulant ni tuer ni blesser la biche, Héraclès accomplit le Troisième de ses Travaux sans faire usage de sa force. Il la poursuivit sans relâche durant une année entière et sa chasse l’entraîna jusqu’en Istrie et au pays des Hyperboréens. Finalement, lorsque exténuée elle se réfugia sur le mont Artémision, et de là descendit jusqu’au fleuve Ladon, Héraclès banda son arc et, d’une flèche qui passa entre l’os et le tendon, sans que soit répandue une seule goutte de sang, il lui immobilisa les deux pattes de devant. Ainsi il la captura et, l’ayant chargée sur ses épaules, il traversa l’Arcadie et se hâta vers Mycènes. Artémis vint à la rencontre d’Héraclès et lui reprocha d’avoir maltraité son animal sacré, mais il fit ressortir l’obligation dans laquelle il se trouvait et rejeta la faute sur Eurysthée. Sa colère alors s’apaisa et elle lui permit d’emporter la biche vivante à Mycènes.

4.   le Sanglier d’Erymante

     Le Quatrième des Travaux imposé à Héraclès fut de prendre vivant le Sanglier d’Erymanthe : c’était une bête sauvage aux proportions gigantesques qui vivait sur les pentes recouvertes de cyprès du mont Erymanthe et dévastait le pays aux abords de Psophis.
     Héraclès, à présent, s’était mis en route pour chasser le sanglier près du fleuve Erymanthe. Capturer vivante une bête aussi sauvage était une tâche d’une difficulté peu commune ;cependant, il réussit à la faire sortit de son fourré en poussant des cris puissants, la conduisit dans un trou profond rempli de neige et sauta sur son dos. Il l’attacha alors avec des chaînes et l’emporta vivante sur son dos à Mycènes ; mais lorsqu’il apprit que les Argonautes se rassemblaient pour partir pour la Colchide, il déposa à terre le sanglier et l’abandonna en dehors de la grande place du marché et, au lieu d’attendre de nouveaux ordres d’Eurysthée, qui s’était caché dans sa jarre en bronze, il partit avec Hylas pour se joindre à l’expédition. On ignore par qui fut tué le sanglier qu’il avait capturé, mais ses défenses furent conservées dans le temple d’Apollon, à Cumes.

5.   les Ecuries d’Augias

     Le Cinquième des Travaux d’Héraclès fut de nettoyer, en un seul jour, les écuries d’Augias, qui étaient dans un état de saleté répugnante. Eurysthée avait plaisir à imaginer le dégoût d’Héraclès, obligé de charger le fumier dans des paniers qu’il transporterait sur ses épaules. Augias, roi d’Elis, était l’homme le plus riche de la terre en bétail : en effet, par une grâce divine, ses troupeaux préservés de toute maladie étaient d’une fécondité sans pareille et ses bêtes n’avortaient jamais. Bien que la plupart du temps elles donnassent naissance à des femelles, il possédait néanmoins trois cents taureaux noirs à pattes blanches et deux cents taureaux reproducteurs, rouges ; en outre, douze taureaux blanc argenté, consacrés à son père Hélios. Ces douze taureaux défendaient ses troupeaux contre les bêtes sauvages, qui, des collines boisées, venaient rôder autour d’eux.
     Or, le fumier dans les écuries d’Augias n’avait pas été enlevé depuis de nombreuses années et, bien que sa puanteur infecte n’affectât pas les bêtes elles-mêmes, elle se répandait à travers tout le Péloponnèse. En outre, les pâturages de la vallée étaient recouverts d’une couche si épaisse de bouse et de crottin qu’on ne pouvait plus guère les labourer pour y planter du grain.
     Héraclès salua Augias de loin et proposa de curer ses Ecuries avant la nuit en échange d’un dixième de son troupeau. Augias se mit à rire ; il pensait que la chose n’était pas possible et il appela Phylée, son fils aîné, pour être témoin de l’offre d’Héraclès. « Fais le serment d’accomplir ta tâche avant la nuit », insista Phylée. Héraclès jura par son père et ce serment fut le premier et le dernier qu’il fit jamais. Augias, de même, prêta serment. C’est à ce moment-là que Phaéton, qui conduisait les douze taureaux blancs, chargea Héraclès, le prenant pour un lion ; Héraclès saisit alors le taureau par sa corne gauche, lui fit baisser la tête et le renversa par la seule force de ses bras.
     Sur les conseils de Ménédèmos l’Eléen et avec l’aide d’Iolaos, Héraclès fit d’abord une brèche dans le mur des Ecuries en deux endroits et ensuite dévia le cours des deux fleuves du voisinage, l’Alphée et le Pénée, en sorte que leurs eaux se précipitèrent dans les Ecuries, les nettoyèrent et s’en furent nettoyer la bouse qui recouvrait les pâturages de la vallée. Ainsi Héraclès accomplit-il ce labeur en une seule journée, et remit en état les terres sans s’être sali le bout du doigt. Mais Augias, qui avait appris par Coprée qu’Héraclès obéissait aux ordres d’Eurysthée en nettoyant les Ecuries, refusa de payer le prix convenu et il eut même l’audace de dire qu’il n’y avait jamais eu entre Héraclès et lui aucun marché conclu.
     Héraclès proposa que l’affaire fût soumise à un arbitre, mais, lorsque les juges furent assis et que Phylée, cité comme témoin par Héraclès, attesta la vérité, Augias se dressa furieux et les bannit tous deux de l’Elide en déclarant qu’Héraclès l’avait trompé, car c’étaient les dieux-Fleuves et non pas lui qui avaient effectué tout le travail. Pour aggraver encore les choses, Eurysthée refusa de considérer ce labeur comme un des Dix Travaux parce qu’Héraclès avait réclamé un salaire d’Augias.

6.  les Oiseaux du Stymphale

     Le Sixième des Travaux d’Héraclès était d’exterminer les oiseaux innombrables qui s’étaient rassemblés autour du lac Stymphale. Le bec, les pattes, les ailes de ces oiseaux étaient en bronze et ils dévoraient les hommes. Ils se reproduisaient auprès du fleuve du même nom, s’envolant par bandes, de temps en temps, pour tuer des hommes et des animaux en leur lançant une grêle de plumes de bronze ; en outre, leur fiente empoisonnée détruisait les récoltes.
     En arrivant près du lac entouré d’épaisses forêts, Héraclès comprit qu’il lui serait impossible de chasser les oiseaux avec ses flèches car ils étaient trop nombreux. De plus, les eaux marécageuses n’étaient ni assez fermes pour supporter le poids d’un homme ni assez liquides pour qu’on pût utiliser un bateau. Comme Héraclès, indécis, s’était arrêté sur le bord du lac, Athéna lui remit une paire de castagnettes de bronze, fabriquées par Héphaïstos. S’étant mis sur un éperon du mont Cyllène, qui domine les marais, Héraclès fit claquer ses castagnettes et déclencha un tel vacarme que les oiseaux, fous de terreur, s’élevèrent dans le ciel par bandes, en un vol immense. Il en abattit alors un nombre considérable tandis qu’ils s’envolaient vers l’île d’Arès dans la mer Noire.
     Les oiseaux du Stymphale sont de la taille des grues et ressemblent beaucoup à des ibis, excepté que leur bec peut percer une armure en métal et n’est pas crochu.

7.  le Taureau de Crète

     Eurysthée ordonna à Héraclès pour le Septième de ses Travaux de capturer le Taureau de Crète, celui dont Minos empêcha le sacrifice à Poséidon et qui engendra le Minotaure avec Pasiphaé. A cette époque, il ravageait la Crète, spécialement la région arrosée par le Téthris, arrachant les plantations dans les champs et renversant les murs des vergers.
     Lorsque Héraclès s’embarqua pour la Crète, Minos lui offrit toute l’aide qui était en son pouvoir, mais il préféra capturer le Taureau avec ses mains nues, bien qu’il soufflât des flammes par son museau. Après un long et dur combat, il ramena le monstre à Mycènes où Eurysthée le dédia à  Héra et le remit en liberté. Mais Héra, ne voulant pas d’un présent qui contribuait à la gloire d’Héraclès, mena d’abord le Taureau à Sparte puis le ramena par l’Arcadie ; elle lui fit traverser l’isthme et le conduisit à Marathon, en Attique, où Thésée par la suite l’amena à Athènes et l’offrit en sacrifice à  Athéna.

8.   les Juments de Diomède

     Eurysthée donna l’ordre à Héraclès, pour le Huitième de ses Travaux, de capturer les juments sauvages du roi de Thrace, Diomède qui régnait sur le peuple belliqueux des Bistoniens, et dont les écuries, dans la ville de Tirida, étaient la terreur de la Thrace. Diomède maintenait ses juments attachées par des chaînes de fer à leurs mangeoires de bronze et les nourrissait de la chair de ses hôtes.
     Accompagné de quelques volontaires, Héraclès s’embarqua pour la Thrace et rendit visite, en cours de route, à son ami Admète, roi de Phères. Arrivé à Tirida, il se rendit maîtres des valets d’écuries de Diomède et mena les juments jusqu'à la mer où il les laissa sur un monticule, à la garde d’Abdéros, son favori, puis il se tourna contre les Bistoniens qui s’étaient lancés à sa poursuite. Comme son camp allait succomber sous le nombre, il vint à bout ingénieusement de ses ennemis en creusant un tunnel qui fit que la mer inonda les basses terres ; il poursuivit les Bistoniens qui s’étaient mis à fuir, assomma Diomède avec sa massue, traîna son corps autour du grand lac qui venait de se former, et le présenta à ses propres juments qui dévorèrent sa chair encore vivante. Rassasiées (car elles avaient aussi dévoré Abdéros pendant qu’Héraclès était occupé), il put alors facilement en venir à bout.

9.   la Ceinture d’Hyppolyté

     Le Neuvième des Travaux d’Héraclès fut d’apporter à la fille d’Eurysthée, Admète, la ceinture d’or d’Arès, que portait la reine des Amazones, Hippolyté. Ayant frété un navire et réuni une troupe de volontaires, parmi lesquels se trouvait Iolaos, Héraclès mit à la voile en direction du fleuve Thermodon.
     Les Amazones étaient filles d’Arès. Elles vivaient, au début, au bord du fleuve Amazone. Lysippé conduisit ses filles non loin des côtes de la mer Noire, où elles formèrent trois tribus qui fondèrent chacune une cité.
     A ce moment-là déjà, les Amazones ne reconnaissaient de filiation que par la mère et Lysippé avait instauré que les hommes seraient astreints à toutes les tâches domestiques, tandis que les femmes combattraient et gouverneraient. En conséquence, on brisait les bras et les jambes des enfants mâles, afin de les rendre inaptes à la guerre ou aux expéditions. Ces femmes contre nature ne respectaient ni la justice ni la pudeur, mais elles étaient célèbres pour leur nature guerrière et elles furent les premières à utiliser la cavalerie. Elles étaient armées d’arcs de bronze et utilisaient des boucliers en forme de demi-lune ; leurs casques, leurs vêtements et leurs ceintures étaient en peau de bêtes sauvages.
     Au moment où Héraclès se rendit chez les Amazones, elles avaient toutes regagné le fleuve Thermodon et leurs trois villes étaient gouvernées par Hippolyté, Antiopé et Mélanippé.
 Parvenu à l’embouchure du Thermodon, Héraclès jeta l’ancre dans le port de Thémiscyra, où Hippolyté lui rendit visite ; séduite par son physique et sa belle musculature, elle lui offrit la ceinture d’Arès en témoignage d’amour. Mais entre-temps Héra, déguisée en Amazone, était allée partout répandre le bruit que ces étrangers avaient l’intention d’enlever Hippolyté ; les femmes-guerrières alors, pleines de courroux, sautèrent en selle et attaquèrent le navire. Héraclès, croyant à une trahison, tua Hippolyté de sa main, lui retira sa ceinture, prit sa hache et d’autres armes et se prépara à se défendre. Il tua tour à tour toutes les Amazones qui dirigeaient la bataille, et mit en déroute leur armée après un terrible massacre.
     Revenu enfin  Mycènes, Héraclès remit la ceinture à Eurysthée qui la donna à Admète. Quant au reste du butin qu’il prit aux Amazones, il fit don de leurs précieux vêtements au temple d’Apollon à Delphes, donna la hache d’Hippolyté à la reine Omphale, qui l’ajouta au trésor sacré de la couronne des rois de Lydie. Plus tard, elle fut transférée à un temple de Zeus en Carie et placée dans la main de la statue du dieu.

10.  le Troupeau de Géryon

     Le Dixième des Travaux d’Héraclès fut de ramener le troupeau de Géryon d’Erythie, une île située près de l’Océan, sans autorisation ni paiement. Géryon était roi de Tartessos, en  Espagne, et il avait la réputation d’être l’homme le plus fort de la terre. Il était né avec trois têtes, six mains et trois corps réunis à la taille. Quant à ses troupeaux, ils étaient d’une beauté merveilleuse ; ils étaient gardés par le berger Eurytion et par le chien à deux têtes Orthros.
     Au cours de son passage à travers l’Europe, Héraclès tus de nombreuses bêtes sauvages, et, lorsqu’il atteignit finalement Tartessos, il éleva deux colonnes l’une en face de l’autre, de part et d’autre du détroit, l’une en Europe, l’autre en Afrique : les Colonnes d’Hercule.
     Hélios dardait ses rayons sur Héraclès qui, trouvant qu’il était impossible de travailler sous une telle chaleur, banda son arc et tira une flèche contre le dieu, qui, furieux, lui cria d’arrêter. Héraclès s’excusa pour sa mauvaise humeur et détendit aussitôt la corde de son arc. Pour ne pas être en reste avec lui, Hélios tendit à Héraclès sa coupe d’or, en forme de nénuphar dans laquelle il se rendit à Erythie ; mais le Titan Océanos, pour l’éprouver, agita fortement la coupe sur les vagues. De nouveau Héraclès sortit son arc et Océanos, effrayé, calma la mer.
     Aussitôt arrivé, il se rendit au mont Abas. Le chien Orthros s’élança sur lui en aboyant, mais Héraclès l’abattit de sa massue ; et Eurytion, qui se précipitait au secours d’Orthos, périt de la même manière. Héraclès se mit alors à emmener le troupeau. Ménoetès, qui faisait paître les troupeaux d’Hadès dans le voisinage, rapporta la nouvelle à Géryon. Défié en combat singulier, Héraclès attaqua Géryon par le flanc et le transperça en lui envoyant une flèche dans le côté qui traversa ses trois corps. Puis, comme Héra se précipitait pour aider Géryon, Héraclès la blessa d’une flèche au sein droit et elle s’enfuit. Ainsi, il obtint le troupeau sans autorisation ni paiement et s’embarqua dans la coupe d’or, sur laquelle il traversa la mer jusqu'à Tartessos et il la rendit à Hélios en le remerciant. Du sang le Géryon naquit un arbre qui, é l’époque où apparaissent les Pléiades, porte des fruits sans noyaux qui ressemblent à des cerises.

11.  les Pommes des Hespérides

     Héraclès avait accompli ses Dix Travaux en l’espace de huit ans et un mois ; mais Eurysthée, qui n’avait compté ni le second ni le cinquième, lui en infligea deux autres. Le Onzième des Travaux consistait à rapporter les fruits du pommier d’or, planté dans un jardin divin, dont les Hespérides avaient la garde. Lorsqu’un jour Héra s’aperçut que les filles d’Atlas volaient les pommes, elle fit s’enrouler Ladon le dragon vigilant autour du pommier pour en interdire l’approche.
     Bien que les pommes fussent à Héra, Atlas en était fier, comme un jardinier de ses beaux fruits, et Thémis l’avertit qu’un jour prochain son arbre serait dépouillé de son or par un fils de Zeus. Atlas, qui n’avait pas encore été condamné à porter le globe terrestre sur ses épaules, construisit alors des murs solides autour du jardin et chassa tous les étrangers de son territoire.
     Prométhée avait conseillé à Héraclès de ne pas cueillir lui même les pommes mais d’utiliser Atlas pour le faire à sa place et de le soulager pendant ce temps de son formidable fardeau ; donc, en arrivant au jardin des Hespérides, il demanda à Atlas de lui rendre ce petit service. Atlas aurait fait vraiment n’importe quoi en échange d’une heure de répit, mais il redoutait Ladon qu’Héraclès tua alors d’une flèche tirée par-dessus le mur du jardin. Héraclès s’était donc baissé pour recevoir le poids du globe terrestre sur les épaules et Atlas était parti ; il s’en revenait à présent avec trois pommes cueillies par ses filles. Il trouvait que la liberté était délicieuse. Il proposa d’apporter lui-même les pommes à Eurysthée, si Héraclès portait le poids des cieux quelques mois encore. Héraclès fit semblant d’accepter, mais comme il avait été prévenu par Nérée de n’accepter aucune proposition de ce genre, il pria Atlas de porter le globe pendant un instant, le temps pour lui de placer un coussinet sur sa tête. Atlas, facilement trompé, posa les pommes sur le sol et reprit son fardeau, Héraclès alors les ramassa et s’éloigna en faisant un petit salut ironique.
     A quelques mois de là, Héraclès apporta les pommes à Eurysthée qui les lui rendit ; il les offrit alors à Athéna qui les restitua aux nymphes, car il était illicite que la propriété d’Héra leur fût enlevée.

12.  la Capture de Cerbère

     Le dernier et le plus difficile des Travaux d’Héraclès fut de ramener des Enfers le chien Cerbère.
     Héraclès descendit au Tartare par le Ténare en Laconie. Il était conduit par Athéna et Hermès, car, toutes les fois qu’épuisé par ses Travaux et désespéré il implorait Zeus, Athéna descendait auprès de lui  pour le réconforter. Terrorisé par l’air farouche d’Héraclès, Charon ne fit aucune difficulté pour lui faire traverser le Styx ; pour le punir de cette infraction, Hadès l’emprisonna durant une année entière ; lorsque Héraclès, quittant la vieille barque délabrée, mit pied à terre, toutes les ombres s’enfuirent, excepté Méléagre et la Gorgone Méduse. En apercevant Méduse, il tira son épée, mais Hermès le rassura : elle n’était ici qu’un fantôme ; et lorsqu’il pointa sa flèche vers Méléagre, qui était revêtue d’une brillante armure, elle se mit à rire. Hermès lui dit qu’il n’avait rien à redouter des morts. Ils causèrent amicalement pendant un moment et Héraclès offrit à Méléagre d’épouser sa sœur Déjanire.
     Près des portes du Tartare, Héraclès vit ses amis Thésée et Pirithoos attachés de façon cruelle à leurs sièges et il libéra Thésée en l’arrachant du sien, mais il fut obligé d’abandonner Pirithoos.
     Quand Héraclès demanda Cerbère, Hadès debout auprès de sa femme répondit d’un air sombre qu’il était à lui, s’il parvenais à le maîtriser sans avoir recours à sa massue ni à ses flèches. Héraclès découvrit le chien attaché par des chaînes aux portes de l’Archéon ; il le saisit hardiment au cou dont il surgit trois têtes chacune munie de serpents. Sa queue, hérissée de fer, se dressa, prête à frapper, mais Héraclès, protégé par sa peau de lion, ne relâcha pas son étreinte et Cerbère, étouffé, dut céder.
     Avec l’aide d’Athéna, Héraclès repassa le Styx sans encombre et remonta Cerbère tantôt en le traînant, tantôt en le portant ; il le fit passer par une fissure près de Trézène.
Héraclès amena Cerbère à Mycènes et Eurysthée, qui était en train de faire un sacrifice, lui tendit une part réservée aux esclaves et garda les meilleurs morceaux pour ses parents ;Héraclès alors manifesta son juste courroux en tuant trois fils d’Eurysthée : Périmèdes, Eurybios et Eurypilos.

7.   Le meurtre d’Iphitos

    Lorsque Héraclès revint à Thèbes après avoir accompli ses Travaux, il donna Mégara, sa femme à présent âgée de trente-trois ans, en mariage à son neveu et conducteur de char Iolaos, âgé, lui, de seize ans seulement, s’étant rendu compte que son union avec elle avait été malheureuse. Il se mit alors à la recherche d’une femme plus jeune avec qui il serait plus heureux ; et, ayant entendu dire que son ami Eurytos, roi d’Oechalie, avait offert Iolé, sa fille, en mariage au tireur qui l’emporterait sur lui et ses quatre fils, il s’y rendit. Eurytos avait reçu un bel arc en présent d’Apollon, qui lui avait appris à s’en servir, et Eurytos prétendait qu’à présent il était meilleur tireur que son maître ; cependant, Héraclès n’eut aucune difficulté à gagner le concours, ce qui déplut profondément à Eurytos ; et. Lorsqu’il apprit qu’il avait répudié Mégara après avoir tué ses enfants, il refusa de lui donner Iolé. Après avoir bu beaucoup de vin pour se donner de l’assurance, il dit à Héraclès : « Tu n’aurais jamais pu te comparer à moi ou à mes fils au tir à l’arc, si tu ne te servais de flèches magiques, qui de ce fait, ne manquent jamais leur but. Ce concours n’a aucune valeur, et je ne confierai jamais, en tout cas, ma fille bien-aimée à un bandit de ton espèce ! En outre, tu es l’esclave d’Eurysthée et en tant qu’esclave, tu ne mérites que des coups de la part d’un homme libre. » Après ce discours, il chassa Héraclès du palais. Héraclès ne réagit pas tout de suite, comme il aurait très bien pu le faire, mais il jura de se venger.
    Trois des fils d’Eurytos, Déion, Clytos et Toxée, avaient soutenu leur père dans ses propos discourtois. Mais l’aîné, nommé Iphitos, déclara qu’Iolé aurait dû, en toute équité, être donnée à Héraclès ; et, lorsque peu après, douze jeunes juments aux puissants sabots et douze vigoureuses mules pleines eurent disparu, il refusa de croire qu’Héraclès fût à incriminer. En fait, elles avaient été enlevées pas le voleur bien connu Autolycos, qui changea leur apparence par magie et les vendit comme siennes à Héraclès qui ne se douta de rien. Iphitos suivit les traces de juments et des mules et découvrit qu’elles menaient à Tirynthe, ce qui lui fit supposer qu’Héraclès, tout compte fait, se vengeait de l’insulte que lui avait faite Eurytos. S’étant alors trouvé tout à coup en présence d’Héraclès, il se contint, dissimula ses soupçons et se contenta de demander à Héraclès son avis sur cette affaire. Héraclès ne reconnut pas les bêtes d’après la description que lui en fit Iphitos comme étant celles qu’il avait achetées à Autolycos et, avec sa cordialité coutumière, il promit de les chercher si Iphitos acceptait d’être son hôte. Mais il sut, grâce à son don de divination, qu’il était soupçonné de vol, et cela lui fit de la peine, car il avait le cœur sensible. Après un grand banquet, il conduisit Iphitos en haut de la plus haute tour de Tirynthe. « Regarde bien, lui dit-il, et dis-moi si tu vois tes juments quelque part dans les prés. » « Je ne les vois pas » reconnut Iphitos. « Ainsi donc, dans le fond de ton cœur tu m’as accusé à tort d’être un voleur ! » gronda Héraclès, que la colère avait envahi, et il le précipita dans le vide et le tua.
    Puis Héraclès se rendit chez Nélée, roi de Pylos, et demanda à être purifié ; mais Nélée refusa car Eurytos était son allié. Et ses fils refusèrent tous de recevoir Héraclès, excepté le plus jeune, Nestor, qui persuada finalement Deiphobos de le purifier à Amycées. Cependant il continuait à être tourmenté par de mauvais rêves et il s’en fut demander à l’Oracle de Delphes comment il pourrait en être débarrassé. La pythie Xénocléa refusa de répondre à sa question. « Tu as tué ton hôte, dit-elle. Il n’y a pas d’oracle pour les hommes de ton espèce ! » « Je vais donc être obligé de créer moi-même un oracle ! s’écria Héraclès. A ces mots, il s’empara de toutes les offrandes votives du temple et même se saisit du trépied sur lequel était assise Xénocléa.
Apollon, indigné, se précipita et une lutte s’engagea entre lui et Héraclès mais Zeus intervint et sépara les combattants avec sa foudre et les obligea à se serrer la main. Héraclès rendit le trépied sacré et ils fondèrent ensemble la ville de Gythion où devaient se dresser, par la suite, les statues d’Apollon, Héraclès et Dionysos. Xénocléa rendit alors à Héraclès l’oracle suivant : « Pour te débarrasser du malheur qui t’afflige, tu dois te vendre comme esclave pendant une année entière et verser le prix qui te sera payé aux enfants d’Iphitos. Zeus est irrité que tu aies violé les lois de l’hospitalité, quelles qu’en soient les raisons et même si on t’a provoqué. » « Et de qui donc dois-je être l’esclave ? » demanda humblement Héraclès. « La reine Omphale de Lydie t’achètera », répondit Xénocléa. « J’obéis, dit Héraclès, mais un jour je ferai de l’homme, qui fut la cause de toutes les souffrances que j’endure, ainsi que de sa famille des esclaves ! »
 

8.   Omphale

    Héraclès fut emmené en Asie et proposé comme esclave par Hermès, patron de toutes les transactions financières importantes, et qui, par la suite, remit l’argent de la vente, trois talents d’argent, aux enfants d’Iphitos. Mais Eurytos s’entêta et interdit à ses petits-enfants d’accepter une compensation sous forme d’argent, en disant que seul le sang rachèterait le sang ; et Hermès seul sait ce qui advint de l’argent. Comme l’avait prédit la Pythie, Héraclès fut acheté par Omphale, reine de Lydie, une femme qui s’y entendait en affaires ; il lui rendit de loyaux services pendant un an, en débarrassant l’Asie Mineure des brigands qui l’infestaient.
    Cette Omphale avait hérité son royaume de son infortuné mari Tmolos.
Parmi les nombreux travaux secondaires qu’accomplit Héraclès, pendant cette période de servitude, se trouve la capture des deux Cercopes d’Ephèse qui l’avaient constamment empêché de dormir. C’étaient deux frères jumeaux appelés Passalos et Acmon, qui étaient les tricheurs et les menteurs les plus accomplis de la création, qui parcouraient le monde en se rendant sans cesse plus coupable de nouveaux méfaits. Théia les avait prévenus de ne pas se frotter à Héraclès et sa formule est devenue proverbiale : »Mes petits culs blancs, vous allez bientôt rencontrer le grand cul noir. » « Cul blanc », depuis lors, fut synonyme de « lâche, vil ou débauché ». Ils venaient continuellement bourdonner autour du lit d’Héraclès sous la forme de mouches à viande, mais, une nuit, il les attrapa et les obliges à reprendre leur véritable aspect et les emporta, suspendus la tête en bas à un bâton qu’il portait sur l’épaule. Or le postérieur d’Héraclès, que ne couvrait pas sa peau de lion, était tanné par le soleil comme un vieux bouclier de cuir et aussi noirci par l’haleine brûlante de Cacus et du taureau de Crète ; les Cécropes partirent d’un grand éclat de rire à se voir ainsi suspendus la tête en bas, face à ce spectacle. Leur gaieté surprit Héraclès et lorsqu’il en sut la raison, il s’assit sur une pierre et se mit lui-même à rire de si bon cœur qu’ils réussirent à le persuader de les relâcher.
Les Cercopes furent ensuite changés en pierre pour avoir essayé de tromper Zeus.
    En Lydie vivait dans un ravin in certain Syléos, qui avait coutume de se jeter sur les étrangers et les obligeait à bêcher sa vigne ; mais Héraclès lui arracha sa vigne ; et aussi, lorsque les Lydiens se mirent à piller le pays d’Omphale, Héraclès reprit leur butin et rasa la ville. A Célaenes vivait un cultivateur appelé Lityersès, un bâtard du roi Minos qui offrait l’hospitalité aux voyageurs mais les forçait à concourir avec lui à qui moissonnerait le plus vite sa récolte. S’ils faiblissaient , il les fouettait et le soir, après avoir gagné le concours, il leur coupait la tête et cachait le corps dans des gerbes en fredonnant un chant triste. Héraclès se rendit à Célaenes pour porter secours au berger Daphnis, qui après avoir parcouru le monde à la recherche de sa bien-aimée Pimpléa, enlevée par des pirates, l’avait enfin découverte parmi les esclaves de Lityersès. Daphnis fut défié à la moisson, mais Héraclès prit sa place et moissonna plus vite que Lityersès ; il lui coupa la tête avec une serpe et jeta son corps dans le fleuve Méandre. Daphnis non seulement retrouva sa Pimpléa, mais Héraclès lui donna le palais de Lityersès comme dot.
Enfin, près du fleuve Sagaris, en Lydie, Héraclès tua un serpent gigantesque qui détruisait les homes et les récoltes ; et Omphale reconnaissante, ayant enfin découvert son identité et sa naissance, lui rendit sa liberté et le renvoya à Tirynthe, chargé de présents.
 

9.   Hésioné

    Après avoir été l'esclave de la reine Omphale, Héraclès revint à Tirynthe, ayant totalement recouvré la raison, et projeta immédiatement un e expédition contre Troie; voici pourquoi: Télamon et lui, à leur retour du pays des Amazones avaient été surpris de trouver Hésioné, la fille de Laomédon, entièrement nue et parée seulement de ses bijoux, enchaînée à un rocher sur le rivage de Troie: Il s'avéra que Poséidon avait envoyé un monstre marin pour punir Laomédon d'avoir refusé de lui payer, ainsi qu'Apollon, le prix convenu pour la construction des murs de la ville et pour s'être occupé de ses troupeaux. Il aurait dû leur sacrifier tout le bétail né dans son royaume, cette année-là. Pour se venger, Apollon envoya une épidémie et Poséidon donna l'ordre à un monstre de dévorer les habitants et de dévaster leurs champs en vomissant de l'eau de mer sur les campagnes.
Laomédon se rendit à l'oracle de Zeus et on lui conseilla d'abandonner Hésioné sur le rivage pour être dévorée par le monstre. Néanmoins, il refusa obstinément d'obéir, à moins que les nobles de Troie ne consentent à sacrifier d'abord leurs propres filles. Ceux-ci, désespérés, consultèrent Apollon, qui n'était pas moins courroucé que Poséidon et qui ne leur donna guère d'apaisement. La plupart des parents envoyèrent aussitôt leurs enfants à l'étranger pour plus de sécurité, mais Laomédon essaya de contraindre un certain Phoenodamas, qui avait gardé chez lui ses trois filles, d'en abandonner une des trois; Phoenodamas harangua l'assemblée et déclara que Laomédon était seul responsable de leurs malheurs et qu'il fallait le contraindre à subir la douleur de sacrifier sa propre fille. Finalement, on décida de tirer au sort, et le sort désigna Hésioné qui fut donc attachée à ce rocher où Héraclès la découvrit.
    Héraclès brisa ses chaînes, remonta vers la ville et offrit de détruire le monstre en échange de deux incomparables et immortels chevaux blancs, rapides et si légers qu'ils galopaient sur la surface des eaux et passaient comme le vent sur les blés dressés. Laomédon accepta sans hésiter le marché.
    Avec l'aide d'Athéna, les Troyens construisirent alors à Héraclès un haut mur pour le protéger contre le monstre lorsqu'il sortirait sa tête de la mer et s'avancerait dans la plaine. Quand il atteignit le mur, il ouvrit ses énormes mâchoires et Héraclès s'engagea tout armé dans sa gorge. Il passa trois jours dans le ventre du monstre et en ressortit victorieux; mais le dur combat qu'il venait de livrer lui avait coûté tous ses cheveux.
    Laomédon donna Hésioné comme épouse à Héraclès (tout en le persuadant de la laisser ainsi que les chevaux, à Troie, tandis qu'il partirait avec les Argonautes) mais après la conquête de la Toison d'Or, la cupidité l'emportant, il refusa à Héraclès à la fois Hésioné et les chevaux.
    Laomédon, entre-temps, avait tué Phoenodamas et vendu ses trois filles à des marchands siciliens venus acheter des victimes destinées à être livrées aux fauves, au cours des spectacles qu'ils organisaient; mais en Sicile, elle furent sauvées par Aphrodite.
Puis il tua Laomédon et ses fils, excepté Podacrès, qui avait été le seul à insister pour qu'on donne les chevaux à Héraclès. Il fut racheté en tant qu'esclave par Hésioné, désormais épouse de Télamon.
 

10.   La conquête de l'Elide

    Peu de temps après son retour, Héraclès réunit une armée de Tirynthiens et d'Arcadiens auxquels se joignirent des volontaires appartenant aux plus nobles familles grecques, et marcha contre Augias, roi d'Elide, à qui il gardait rancune à cause du Cinquième des Travaux. Mais Augias, ayant prévu cette attaque, s'était préparé à résister en plaçant à la tête de son armée Eurytos et Cteatos, fils de son frère Actor et de Molioné, et en faisant participer au gouvernement le vaillant Amaryncée.
    Héraclès ne se couvrit pas de gloire dans cette campagne d'Elide. Il tomba malade et, quand les Molionides, fils d'Actor, mirent en déroute l'armée qui campait au cœur de l'Elide, les Corinthiens intervinrent en proclamant la Trêve Isthmique [trêve obligatoire durant les Jeux Isthmiques, les anciens Jeux olympiques]. Parmi ceux qui avaient été blessés par les Molionides se trouvait Iphiclès, le frère jumeau d'Héraclès; ses amis le transportèrent évanoui à Phénée en Arcadie, où il devait mourir plus tard et devenir un héros. Trois cent soixante habitants de Cléonae moururent bravement aussi en combattant aux côtés d'Héraclès; il leur céda les honneurs que lui avaient accordés les Néméens après qu'il eut tué le lion. Il était à présent réfugié à Olénos, patrie de son ami Dexaménos, beau-père des Molionides, et dont il déflora la plus jeune des filles, Déjanire, après avoir promis de l'épouser. Héraclès continua sa route et le Centaure Eurytion demanda la main de Déjanire que Dexaménos n'osa pas lui refuser; mais, le jour du mariage, Héraclès réapparut sans prévenir, abattit Eurytion et ses frères et emmena la jeune femme.
    Lorsque Héraclès revint à Tirynthe, Eurysthée l'accusa d'avoir des vues sur le royaume où Zeus l'avait confirmé, et il le bannit d'Argolide. Accompagné de sa mère Alcmène et de son neveu Iolaos, Héraclès s'en alla alors rejoindre Iphiclès à Phénée, et là il fit de Laonomé, fille de Gounée, sa concubine. Il creusa un canal de dix kilomètres et profond de neuf mètres pour les eaux du fleuve Aroanios, passant au milieu de la plaine de Phénée; mais le fleuve abandonna le canal qui s'était comblé à certains endroits et reprit son cours d'autrefois. Il creusa également de profonds chenaux au pied des montagnes Phénéennes pour éviter les inondations; ceux-ci ont été très utiles, sauf une fois où, après un orage, les eaux de l'Aroanios grossirent et inondèrent l'ancienne ville de Phénée.
    Puis il mis à sac la ville d'Elis.
 

11.    La capture de Pylos

    Ensuite, Héraclès pilla et brûla la ville de Pylos parce que les Pyliens s'étaient portés au secours d'Elis. Il tua tous les fils de Nélée excepté le plus jeune, Nestor, qui se trouvait à Gérénia; quant à Nélée lui-même, il parvint à sauver sa vie en prenant la fuite.
    Athéna, qui défendait la justice, combattit du côté d'Héraclès et Pylos fut aidé par Héra, Poséidon, Hadès et Arès. Tandis qu'Athéna attaquait Arès, Héraclès affrontait Poséidon, massue contre trident, et le contraignait à battre en retraite. Puis il courut aider Athéna, la lance à la main et, au troisième coup, il perça le bouclier d'Arès et le renversa tout de son long sur le sol; puis, maniant puissamment son arme, il atteignit la cuisse d'Arès et enfonça profondément sa lance dans la chair divine. Arès effrayé s'enfuit dans l'Olympe où Apollon frotta la blessure d'onguents et la guérit en l'espace d'une heure; aussi reprit-il le combat mais une flèche d'Héraclès lui traversa l'épaule et l'obligea à quitter définitivement le champ de bataille. Entre-temps, Héraclès avait aussi blessé Héra au sein droit d'une flèche à trois pointes.
    Le fils aîné de Nélée, Périclyménos l'Argonaute [Périclyménos = celui qui change de forme], avait reçu de Poséidon une force indomptable en même temps que le pouvoir de prendre à volonté n'importe quelle forme, celle d'un oiseau, d'une bête sauvage ou d'un arbre. En cette circonstance, il se transforma d'abord en lion, puis en serpent, et, après un moment, pour échapper aux regards, il se posa sur les chevaux d'Héraclès sous la forme d'une fourmi, d'une mouche, d'une abeille. Héraclès, à qui Athéna avait fait signe, reconnut Périclyménos et se saisit de sa massue; Périclyménos alors devint un aigle et essaya de lui crever les yeux, mais une flèche tirée par Héraclès le traversa sous l'aile; il s'abattit sur le sol et, dans sa chute, la flèche lui traversa le cou et le tua.
    Héraclès confia la ville de Messène à Nestor en attendant que ses propres descendants la réclament, car il s'était souvenu que Nestor ne s'était pas associé à ceux qui lui avaient volé le troupeau de Géryon; et bientôt il éprouva même pour lui plus d'affection que pour Hylas et pour Iolaos.
 

12.   Les fils d'Hippocoon

    Héraclès décida d'attaquer et de punir les fils d'Hippocoôn. Non seulement ils avaient refusé de le purifier après la mort d'Iphitos et avaient combattu contre lui sous les ordres de Nélée, mais ils avaient aussi tué son ami Oeonos; et voici comment: Oeonos, fils de Licymnios, qui avait accompagné Héraclès à Sparte, flânait un matin dans la ville, lorsque tout à coup, juste devant le palais d'Hippocoôn, un énorme chien s'élança sur lui; pour se défendre, il lui jeta une pierre qui l'atteignit au museau. Les fils d'Hippocoôn se précipitèrent alors sur lui et le frappèrent à coups de bâton. Héraclès, qui se trouvait à l'autre bout de la rue, courut au secours d'Oeonos mais il arriva trop tard. Oeonos avait succombé sous les coups et Héraclès, blessé à la paume de la main et à la cuisse, s'enfuit et se réfugia au sanctuaire de Déméter situé près du mont Taygète, où Asclépios le cacha et guérit ses blessures.
    Héraclès réunit alors une petite armée et se rendit à Tégée en Arcadie où il demanda à Céphée, fils d'Aléos, de se joindre à lui avec ses vingt fils. Céphée commença par refuser, craignant pour la sécurité de la ville s'il la quittait. Mais Héraclès, à qui Athéna avait donné une boucle des cheveux de la Gorgone enfermée dans un pot d'airain, en fit don à la fille de Céphée: si la ville était attaquée elle devrait la sortir trois fois en tournant le dos à l'ennemi qui, aussitôt, prendrait la fuite. Mais elle n'eut pas à se servir de ce talisman.
    Ainsi Céphée se joignit à l'expédition contre Sparte au cours de laquelle le malheur fit qu'il perdit la vie, ainsi que dix-sept de ses fils. L'armée d'Héraclès subit peu de pertes en dehors de celle-là, alors que les Spartiates perdirent Hippocoôn et ses douze fils, ainsi que de nombreux autres combattants de haut rang; et leur ville fut prise d'assaut. Héraclès remit Tyndare sur le trône et lui demanda de le conserver jusqu'à ce qu'un de ses descendants viennent le lui réclamer.
 

13.   Augé

    Aléos, roi de Tégée, épousa Néère, qui lui donna Augé, Céphée Lycurgue et Aphidamas. Quand, lors de son passage à Delphes, Aléos fut prévenu par l'Oracle que les deux frères de Néère mourraient de la main du fils de sa fille, il se hâta de rentrer chez lui et de nommer Augé prêtresse d'Athéna en la menaçant de la tuer si elle ne restait pas chaste. Héraclès vint à Tégée, Aléos le reçut avec hospitalité dans le temple d'Athéna. Là, sous l'effet du vin, Héraclès viola la prêtresse vierge auprès d'une fontaine, mais, Augé n'avait pas crié pour se défendre, on laissa entendre qu'elle lui avait donné rendez-vous.
    Héraclès poursuivit sa route et, à Stymphale, il fut père d'Evérès par Parthénopé; mais, entre-temps, la peste et le famine s'étaient abattues sur Tégée, et Aléos, averti par la Pythie qu'un crime avait été commis dans l'enceinte sacrée d'Athéna, s'y rendit et trouva Augé dont la grossesse était déjà avancée. Bien qu'elle pleurât abondamment et déclarât qu'Héraclès l'avait violée dans un état d'ébriété, Aléos se refusa à la croire. Il la traîna sur la place du marché de Tégée où elle tomba à genoux à la vue du temple d'Ilithye. Gêné de tuer sa fille publiquement, Aléos chargea le roi Nauplios de la noyer. Nauplios donc partit pour Nauplie avec Augé; mais parvenue au mont Parthénios, elle fut prise des douleurs de l'enfantement et, sous un prétexte, elle se retira dans un petit bois. Là elle mit au monde un fils et le cacha dans un fourré, puis elle revint auprès de Nauplios qui l'attendait patiemment au bord du chemin. Mais, comme il n'avait aucune intention de noyer une princesse alors qu'il pouvait en tirer un très bon prix en la vendant comme esclave, il vendit Augé  à des marchands cariens qui venaient de débarquer de Nauplie, qui à leur tour, la vendirent à Teuthras, en Mysie.
    Le fils d'Augé fut allaité par un lièvre; des bergers le découvrirent, le nommèrent Télèphe  et le conduisirent à leur maître le roi Corythos.
    Lorsque Télèphe devint un homme, il se rendit à l'Oracle de Delphes pour avoir des indications sur ses parents. On lui dit de prendre la mer et de chercher le roi Teuthras de Mysie. En Mysie, il découvrit qu'Augé avait épousé Teuthras et celui-ci apprit qu'Augé était sa mère et qu'Héraclès était son père; il le crut sans peine car aucune femme n'avait jamais donné à Héraclès un fils qui lui ressemblât autant. Teuthras donna à Télèphe sa fille Argiopé en mariage et le constitua héritier de son royaume.
 

14.  Déjanire

    Après avoir passé quatre ans à Phénée, Héraclès décida de quitter le Péloponnèse. A la tête d'une armée d'Arcadiens, il s'embarqua pour Calydon en Etolie, où il établit sa résidence. Comme il n'avait pas de fils légitimes ni d'épouse, il courtisa Déjanire, la fille d'Oenée, tenant ainsi la promesse qu'il avait faite.
    De nombreux prétendants se présentèrent au palais d'Oenée pour demander la main de la charmante Déjanire, qui savait conduire un char et pratiquait l'art de la guerre; mais ils se retirèrent tous lorsqu'ils surent qu'Héraclès et le dieu-Fleuve Achélôos étaient leurs rivaux. Tout le monde sait qu'Achélôos était immortel et qu'il apparaissait sous trois formes: un taureau, un serpent tacheté, et un homme à tête de taureau; des torrents d'eau jaillissaient continuellement de sa barbe touffue, et Déjanire aurait préféré mourir plutôt que de l'épouser.
    Héraclès, lorsqu'Oenée l'invita à venir faire sa demande, fit ressortir que s'il épousait Déjanire, non seulement il aurait Zeus pour beau-père, mais que la gloire de ses Douze Travaux rejaillirait sur elle. Achélôos sous son aspect d'homme à tête de taureau se moqua de lui et fit observer qu'il était lui-même un personnage fort connu, père de toutes les eaux grecques, et non un va-nu-pieds étranger comme Héraclès, et que d'ailleurs l'Oracle de Dodone avait prescrit à tous les visiteurs de lui offrir des sacrifices. Puis il railla Héraclès: "Ou bien tu n'es pas le fils de Zeus, ou bien ta mère est adultère!" Héraclès se fâcha. "Je préfère me battre plutôt que de discuter, dit-il, et je ne tolérerai pas qu'on insulte ma mère!"
    Achélôos ôta son vêtement vert et engagea la lutte avec Héraclès; il ne tarda pas à être mis dos à terre; alors il se transforma habilement en serpent tacheté et se faufila. "J'ai étouffé par des serpents dans mon berceau", s'écria Héraclès en riant, en se baissant pour le saisir à la gorge. Alors Achélôos devint un taureau et fonça sur Héraclès, mais celui-ci fit vivement un pas sur le coté et, le saisissant par les cornes, il le projeta à terre avec une telle force que sa corne droite fut cassée net. Achélôos se retira piteusement et s'en fut cacher sa honte sous les branches d'un saule.
    Après avoir épousé Déjanire, Héraclès marcha avec les Calydoniens contre la ville d'Ephyra, où il vainquit et tua le roi Phylée. Au nombre des prisonniers se trouvait la fille de Phylée, Astyoché, par qui Héraclès devint père de Tlépolémos.
    Au cours d'une fête, trois ans plus tard, Héraclès s'emporta violemment contre un jeune parent d'Oenée, Eunomos, à qui on avait dit de verser de l'eau sur les mains d'Héralcès et qui maladroitement en répandit sur les jambes du héros. Héraclès tira les oreilles du jeune garçon plus fort qu'il n'en avait l'intention et le tua. Bien que le père du jeune homme lui eût pardonné ce malencontreux accident, Héraclès prit la décision de s'infliger la peine réglementaire de l'exil et partit avec Déjanire et leur fils Hyllos pour Trachis, patrie du neveu d'Amphitryon Céyx.
    Ils allèrent jusqu'au fleuve Evénos, alors en pleine crue; là, le centaure Nessos assura qu'il était le passeur accrédité par les dieux et justement choisi pour son honnêteté; il offrit, moyennant un prix modique, de faire traverser Déjanire à pied sec tandis qu'Héraclès passerait à la nage. Héraclès accepta, paya la somme à Nessos, lança sa massue et son arc sur l'autre berge et plongea dans le fleuve. Mais Nessos ne tint pas son engagement et se mit à courir e sens inverse, tenant Déjanire dans ses bras; puis il la renversa sur le sol et essaya de la violer. Elle appela au secours et Héraclès, ayant repris son arc, visa attentivement et tira, à huit cents mètres, une flèche qui traversa la poitrine de Nessos.
    Nessos extirpa la flèche et dit à Déjanire: "Si tu mélanges la semence que je viens de répandre sur le sol avec du sang de ma blessure, que tu y ajoutes de l'huile d'olive et que tu en enduis secrètement la chemise d'Héraclès, tu n'auras plus jamais à redouter ses infidélités." Déjanire s'empressa de rassembler les ingrédients et les mis dans un pot qu'elle scella et conserva sans en souffler mot à Héraclès.
 

15.  Héraclès à Trachis

    Toujours accompagné de ses alliés arcadiens, Héraclès vint à Trachis où il demeura pendant un certain temps, sous la protection de Céyx. Au cours de son voyage, il traversa le pays des Dryopes, dominé par le mont Parnasse, et rencontra leur roi Théiodamas en train de labourer la terre à l'aide de deux bœufs. Comme il avait faim et qu'il cherchait aussi un prétexte pour faire la guerre aux Dryopes, Héraclès demanda un des deux bœufs. Et, comme Théiodamas refusait, il le tua. Après avoir abattu le bœuf et s'être rassasié de sa chair, il enleva le fils nouveau-né du roi.
    Puis Héraclès vint à Iton, ville de Phtiotide. Il rencontra là Cycnos, qui avait l'habitude d'offrir de belles récompenses à ceux de ses hôtes qui avaient le courage de se mesurer à lui dans un duel en chars. Cycnos, qui était toujours vainqueur, leur coupait la tête et prenait les crânes pour en décorer le temple de son père Arès.
Apollon, irrité contre Cycnos, poussa Héraclès à accepter le défi de Cycnos. Il fut convenu qu'Héraclès serait accompagné par son conducteur de char Iolaos, et Cycnos par son père Arès. Héraclès, bien que ce ne fût pas sa manière habituelle de combattre, revêtit les cuissards qu'Héphaïstos avait fabriqués pour lui et la cuirasse d'Athéna. Armé de son arc et de ses flèches, de sa lance, de son casque et d'un bouclier, il sauta légèrement dans son char.
    Athéna dit à Héraclès qu'il pouvait tuer et dépouiller Cycnos, mais qu'il ne devait rien faire de plus que de se défendre face à Arès. Cycnos lança son char de manière à les croiser en pleine vitesse et l'un et l'autre furent renversés et jetés à terre par la violence du choc de la lance contre le bouclier. Mais ils se relevèrent aussitôt et, après un bref combat, Héraclès traversa de sa lance le cou de Cycnos. Puis, en se défendant, Héraclès blessa Arès à la cuisse. Zeus alors les sépara d'un trait de sa foudre. Cycnos fut dépouillé par Héraclès et Iolaos, et Arès ramené évanoui dans l'Olympe
 

16.  Iolé

    A Trachis, Héraclès rassembla une armée composée d'Arcadiens, de Méliens et de Locriens et marcha contre Oechalie pour se venger du roi Eurytos, qui avait refusé de lui donner la princesse Iolé, loyalement gagnée à un concours de tir à l'arc. Il prit la ville d'assaut, cribla de flèches le roi et son fils, enterra ses compagnons, pilla la ville et emmena, comme captive, la jeune Iolé. Iolé, plutôt que de céder à Héraclès qui avait massacré toute sa famille, avait sauté du haut des murs de la ville; elle fut sauvée grâce à sa jupe, qui, gonflée par le vent, amortit sa chute. Héraclès l'envoya à Trachis, auprès de Déjanire. Une prédiction lui avait été faite au moment où il prenait congé de Déjanire: après quinze mois, où il allait mourir, où il passerait le restant de sa vie dans le repos et le calme.
 

17.  L'apothéose d'Héraclès

    Sur le cap Cénée, Héraclès prépara un sacrifice en actions et en grâces pour la prise d'Oechalie. Il renvoya Lichas auprès de Déjanire pour lui demander une belle chemise et une cape comme il en portait en ces occasions.
    Déjanire, qui était confortablement installée à Trachis, était à présent résignée à ce qu'Héraclès eut des concubines; et, lorsqu'elle reconnut en Iolé la dernière en date, elle éprouva de la pitié plutôt que de l'animosité à l'égard de cette beauté fatale qui avait été la cause de la destruction d'Oechalie. Cependant, était-il acceptable pour elle qu'Héraclès songeât à les faire habiter l'une et l'autre sous le même toit? Et, comme elle n'était plus très jeune, Déjanire décida d'utiliser le prétendu talisman de Nessos pour conserver l'amour de son mari. Après lui avoir tissé une chemise de sacrifice neuve pour qu'il revienne sain et sauf, elle brisa en secret le sceau qui fermait hermétiquement le pot, trempa un morceau de laine dans la mixture et en frotta la chemise. Lorsque Lichas se présenta, elle déposa la chemise dans une caisse qu'elle lui remit en lui disant: "Sous aucun prétexte n'expose cette chemise à la lumière ou à la chaleur jusqu'au moment où Héraclès sera sur le point de la revêtir pour le sacrifice." Lichas était déjà reparti à toute vitesse sur son char quand Déjanire , portant son regard sur le morceau de laine qu'elle avait jeté dans la cour, éclairée par le soleil, fut horrifiée de voir qu'il se consumait comme de la sciure de bois, tandis que se répandait en bouillonnant sur les dalles une écume rougeâtre. Se rendant compte que Nessos l'avait trompée, elle envoya un courrier en grande hâte, pour rappeler Lichas, et, maudissant la folie qu'elle venait de commettre, elle fit le serment que si Héraclès mourait, elle le suivrait dans la mort.
    Le courrier arriva trop tard au cap Cénée. Héraclès avait déjà revêtu la chemise et était en train d'immoler douze taureaux d'un blanc immaculé. Il était en train de répandre le vin d'une coupe sur les autels et de jeter de l'encens sur le feu lorsqu'il ressentit subitement une vive douleur comme s'il venait d'être mordu par un serpent. La chaleur venait de faire fondre le poison de l'Hydre que contenait le sang de Nessos, et qui circulait dans tous les membres d'Héraclès, brûlant sa chair. Très vite la souffrance devint insupportable; hurlant de douleur, il renversa les autels. Il essaya d'enlever la chemise, mais elle collait si fortement à sa chair qu'il s'arracha de la peau. Son sang jaillissait en sifflant. Il se précipita la tête la première dans la rivière la plus proche, mais le poison n'en était que plus brûlant.
    Parcourant la montagne, arrachant les arbres sur son passage, Héraclès aperçut Lichas, qui, terrifié, se tenait les genoux, accroupi dans un creux de rocher. En vain Lichas essaya-t-il de se disculper, Héraclès le saisit, le fit tournoyer trois fois au-dessus de sa tête et le lança dans la mer Eubée. De l'armée, qui l'observait de loin, s'éleva une clameur désespérée, mais personne n'osa s'approcher; puis Héraclès appela Hyllos et demanda à être transporté dans un lieu écarté pour mourir seul. Hyllos le porta au pied du mont Oeta, près de Trachis, l'endroit ayant été désigné à Iolaos comme le théâtre de la mort de son ami par l'Oracle de Delphes.
    Eperdue et désespérée, Déjanire, en apprenant la nouvelle, se pendit. Héraclès, avant de mourir, n'avait songé qu'à une chose, c'était qu'elle fut punie; mais lorsqu'elle lui eut certifié qu'elle était innocente, comme le prouvait son suicide, il poussa un grand soupir, lui pardonna et exprima le voeu qu'Alcmène et tous ses fils se rassemblent autour de lui et écoutent ses dernières paroles. Mais Alcmène se trouvait à Tirynthe avec certains de ses enfants, les autres étaient installés à Thèbes, ainsi ne put-il révéler qu'à Hyllos seul la prédiction de Zeus, à présent réalisée: "Aucun homme vivant ne pourra tuer Héraclès, sa chute sera causée par un ennemi déjà mort." Hyllos demanda alors à Héraclès quelle étaient ses instructions, et il lui fut dit: "Jure sur la tête de Zeus que tu me transporteras sur la plus haut sommet de la montagne, là tu brûleras mon corps sans cris ni lamentations, sur un bûcher fait de chêne et de tronc d'oliviers sauvages mâles. Jure aussi d'épouser Iolé aussitôt que tu seras en âge." Bien qu'il fût scandalisé par ces requêtes, Hyllos promit de respecter ses volontés.
    Lorsque tout fut prêt, Iolaos et ses compagnons se retirèrent à quelque distance, tandis qu'Héraclès montait sur le bûcher et ordonna d'y mettre le feu. Mais personne n'avait le courage d'obéir et c'est un berger qui passait par là qui donna l'ordre à son fils de faire ce qu'Héraclès demandait. Pour lui témoigner sa gratitude, Héraclès lui légua son carquois, son arc et ses flèches et, lorsque les flammes commencèrent à s'élever, il étendit sa peau de lion sur la plate-forme au sommet du bûcher et il s'étendit, faisant de sa massue un oreiller pour sa tête; son visage était empreint de sérénité. La foudre alors tomba du ciel sur le bûcher et, d'un seul coup, le réduit en cendres.
 

18.  Symbolique

    Symbole de la force et de l’énergie, et même de l’héroïsme, Héraclès fut vénéré autant comme un héros que comme un dieu. Grand buveur, gros mangeur, bon vivant, il représente aux yeux des Grecs le justicier qui combat le méchant et le parjure, punit l’impie, et il reste le modèle du courage devant les périls mortels qui assaillent l’homme. Enfin, par sa postérité, les Héraclides, il est l’ancêtre mythique de tous les Grecs du Péloponnèse.
 
 

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